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L'esprit de la science anglaise et les Français au XIXème siècle

Published online by Cambridge University Press:  05 January 2009

Annie Petit
Affiliation:
Departement de philosophie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de Clermont II, 29 Boulevard Gergovia, 63037 Clermont-Fd Cedex, France.

Extract

Au XVIIIème siècle, bien des penseurs et savants du continent s'étaient engoués de l'Angleterre. Elle avait été un foyer de grands ébranlements, autant dans l'ordre politico-social—c'est le pays révolutionnaire de Cromwell et c'est là que fut mis au point la monarchie constitutionnelle—que dans l'ordre scientifique et technique—ce pays est le berceau de la science newtonienne et celui d'une industrie pleine de vitalité. Aussi, bien des discussions savantes et passionnées ont été nourries de références aux modèles anglais. Les échos s'en répercutent jusqu'au XIXème siècle.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © British Society for the History of Science 1984

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References

1 Lettre d'un habitant de Genève à ses contemporains (1803)Google Scholar, in Oeuvres de Saint-Simon et d'Enfantin, Paris, 18651878, tome XV, p. 3839Google Scholar. Les 21 ‘élus de l'humanité’ prendraient le nom de ‘conseil de Newton’—et la première année, c'est le président de la Société royale de Londres qui serait prié de recevoir les souscriptions.

2 Introduction aux travaux scientifiques du XIXème siècle (1808)Google Scholar, Oeuvres choisies de C.H. de Saint-Simon, Bruxelles, Lemonnier, 1859, t. I, p. 5860.Google Scholar

3 Projet d'Encyclopédie (1810)Google Scholar publié in Revue Socialiste d'avril 1899Google Scholar. On y trouve un éloge conjoint de Galilée, Bacon, Descartes.

4 Avertissement (1810)Google Scholar Ed. par Gouhier, M. H. dans La Nef, n 20 de juillet 1946.Google Scholar

5 dès le début du, CeciCours de Philosophie positive, lère leçon, 1830, Paris, Hermann, 1975, I, p. 27Google Scholar. (Cette oeuvre sera désormais citée comme Cours.) On retrouve cette théorie des grands hommes aux articulations essentielles du Discours sur l'esprit positif, (1844): Paris, UGE—10/18, pp. 7981Google Scholar; partout aussi dans le Système de Politique positive, (18511854): p. ex. Paris, Edition Anthropos, 19691970, t. I, p. 11, 493, t. IV p. 179Google Scholar, (Cette oeuvre sera désormais citée comme Système). Et tous ces pères-fondateurs sont en compagnie dans le calendrier du nouveau culte de l'humanité: voir Système, t. IV, p. 403Google Scholar et Catéchisme positiviste, (1852), Paris, Garnier-Flammarion, 1966, pp. 265271.Google Scholar

6 Oeuvres Complètes, Paris, Calmann-Levy, 19471961, t. III, p. 761Google Scholar (Les oeuvres de Renan seront désormais citées comme O.C.)

7 ‘L'hypothèse mécanique de Newton a si profondément changé les idées sur le système de l'univers que toutes les conceptions de l'antiquité, du Moyen Age, de la Renaissance, de Descartes lui-même sur le monde nous apparaissent aujourd'hui comme les rêves d'un autre âge’ (O.C., t. III, p. 105Google Scholar). Voir aussi O.C., t. VII, p. 994Google Scholar, où Renan trouve par contre la réputation de Bacon bien surfaite!

8 Le Politique (1819), Ile livraison, p. 464465.Google Scholar

9 Du système industriel, (1821), Paris, Anthropos, 1965, t. VI, p. 467.Google Scholar

10 Catéchisme des industriels, (1823), Paris, Anthropos, 1965, t. V, p. 33.Google Scholar

11 ‘L'asservissement de l'aristocratie avait, de toute nécessité, bien plus radicalement détruit, en France, l'ancien système politique, que n'avait pu le faire, en Angleterre, l'abaissement de la royauté: en même temps, le passage direct de la situation pleinement catholique à l'entière émancipation mentale avait dû devenir éminemment favorable à l'essor décisif des intelligences françaises, ainsi heureusement préservées de la dangereuse inertie que la transition protestante avait dû imprimer aux esprits anglais. Quoique l'activité industrielle eût été, sans doute, moins développée déjà en France qu'en Angleterre, l'influence sociale du nouvel élément temporel y était cependant plus nette et même plus grande, en tant que beaucoup mieux dégagée de la prépondérance aristocratique. Dans l'ordre spirituel, le développement esthétique de la nation française, malgré son incontestable infériorité envers celui de la population italienne, était certainement plus avancé, quant à la plupart des arts, qu'il ne pouvait l'être en Angleterre; cette supériorité était aussi, en général, plus irrécusable encore relativement à l'essor scientifique et à son universelle propagation, quelque imparfaite qu'elle soit jusqu'ici; et, enfin, il est surtout sensible que l'esprit philosophique proprement dit était dès lors plus dégagé en France que partout ailleurs de l'ancien régime théologico-métaphysique, et beaucoup plus rapproché d'une vraie positivité rationnelle, exempte à la fois de l'empirisme anglais et du mysticisme allemand.’ Cours, 57ème leçon, op. cit., II, p. 584585.Google Scholar

12 Ibid,; et ceci s'accompagne d'une virulente critique de ‘l'imitation irréfléchie du type anglais’: ‘aberration générale qui exerce encore la plus déplorable influence pour dissimuler la vraie nature de la réorganisation moderne, en réduisant cette régénération fondamentale à une vaine imitation universelle de la constitution transitoire particulière à l'Angleterre’. (Ibid., p. 589).

13 Voir aussi Système t. I, p. 82, 384, et t. IV, p. 256, 373, 453, 504.Google Scholar

14 Voir les Leçons sur la Philosophie de l'Histoire (1830)Google Scholar: textes regroupés sous le titre La Raison dans l'Histoire, ed. U.G.E., Paris, 1965Google Scholar. Hegel, Pour, l'histoire universelle décrit un cheminement bien net de l'esprit: d'Est en Ouest (p. 280)Google Scholar. II est amusant de voir que dans sa description de l'Europe divisée en trois parties, Hegel ‘Oublie’ tout simplement de situer l'Angleterre: l'ouest européen, pour Hegel s'arrête aux confins germaniques … ceci est d'autant plus étonnant qu'il avait dit, p. 277, qu' ‘en Europe, ce qui compte c'est le rapport à la mer’.

15 Ces modifications sont particulièrement sensibles dans les textes des années post-70: la décevante et douloureuse guerre franco-allemande a conduit à réviser les jugements sur l'Angleterre. Voir infra.

16 II ne s'agit pas d'oublier des innovations capitales, dont certaines viennent de Grande-Bretagne, et les noms de Maxwell, Joule, etc … Mais leur importance touche plutôt au second demi-siècle.

17 En fait il faudrait même se référer aux oeuvres des années 20. A. Comte a toujours souligné la continuité et la cohérence de ses analyses, de sa jeunesse à la pleine maturité; preuve: il republie ses oeuvres de jeunesse en ‘Appendice’ de son dernier traité, pour montrer précisément l'identité de ses préoccupations. Nous citons ces oeuvres de jeunesse d'après l' ‘Appendice général’ du Système (t. IV, p. 1228.)Google Scholar

18 Voir aussi le Discours sur l'Esprit positif (1844)Google Scholar, le Partie, et le Système (surtout le ‘discours préliminaire’, t. I; et t. III).

19 Voir, Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société (1822)Google Scholar; Système, Appendice, p. 6669Google Scholar; et Cours, 2e leçon, I, p. 4451.Google Scholar

20 Voir Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société (1822), p. 6281Google Scholar: ‘En résumé, il n'y a donc jamais eu de révolution morale à la fois plus inévitable, plus mûre et plus urgente…’. Rappelons qu'aux lendemains de la révolution de 1848, la réaction de Comte est de fonder une ‘Association libre pour l'instruction positive du peuple’ qui débute ainsi: ‘la réorganisation préalable des opinions et des moeurs constitue la seule base solide d'après laquelle puisse s'accomplir la regénération graduelle des institutions sociales.’ (cité en Annexe dans l'édition de la Correspondance générale d'A. Comte, Archives positivistes, Paris, Vrin, Mouton, 1981, t. IV, p. 263Google Scholar; voir dans ces mêmes Annexes, le ‘Rapport à la Société positiviste de la commission chargée d'examiner la nature et le plan du nouveau gouvernement révolutionnaire’, p. 290: ce rapport est co-signé par Littré, Magnin et Laffitte.).

21 Considérations philosophiques sur les sciences et les savants (1825)Google Scholar, Système, Appendice, p. 173Google Scholar. Dans ce texte A. Comte fait aussi une très nette distinction à remarquer entre les véritables savants et les ingénieurs …

22 Cours, 57ème leçon: voir supra note 11.

23 Cours, 47ème leçon, p. 8697Google Scholar. La critique de l'économie politique (p. 92–97) est très dure: ce n'est qu'une ‘illusion’ de science et ‘conceptions purement métaphysiques …’; Comte dénonce âprement ‘l'inanité nécessaire des prétentions scientifiques de nos économistes’. Reste que ‘l'illustre et judicieux philosophe Adam Smith’ a droit à toute la considération de Comte: il ne pouvait mieux faire en son temps et en son pays (p. 93)… Mais s'exercer maintenant à ces recherches ne peut être que vain et puéril: Comte l'a répété—vainement—à J. S. Mill. Celui-ci s'étant entêté à traiter de ce ‘sujet arriéré,’ ce différend scientifique a été pour beaucoup dans la rupture entre les deux hommes (voir Correspondance générale, op, cit., tIV, lettre du 7 avril 1847, p. 109.)Google Scholar

24 Comte précise lui-même l'extension assez lâche qu'il donne â l' ‘Angleterre’: ‘J'y comprends, non seulement l'Ecosse, et même l'Irlande, suivant un usage déjà familier, mais aussi à beaucoup d'égards, l'Union américaine elle-même, dont la civilisation essentiellement dépourvue d'originalité, ne fut, surtout jusqu'à notre siècle, qu'une simple expansion de la civilisation anglaise, modifiée par des circonstances locales et sociales’. (Cours, 56e leçon, p. 491Google Scholar, note. Ceci est assez conforme au goût comtien pour les ‘vues d'ensemble’ et les ‘sommaires appréciations’… Les autres ‘éléments européens’ sont d'ailleurs traités avec le même sens des généralités: ‘je suppose toujours essentiellement annexé à chacun d'eux l'ensemble de ses appendices naturels’ (ibid) … Remarquons que dans ces ‘appendices’ il ne saurait être question de l'empire colonial. Au contraire même, Comte ne cesse de souligner l'artifice de ces annexions et de plaider la cause des indépendances: il prêche tout particulièrement ‘une loyale renonciation aux diverses usurpations de l'Angleterre’. (Correspondance, op. cit., V, p. 115 a WilliamsonGoogle Scholar). Comte est bien sûr aussi sévère pour tous les colonialismes, français y compris, et plaide par exemple pour l'indépendance algérienne (Système, IV, p. 479).Google Scholar

25 Dès sa jeunesse la Sommaire appréciation de l'ensemble du passé moderne (1820)Google Scholar s'appuie essentiellement sur une comparaison des itinéraires anglais et français (Système, t. IV, Appendice, p. 1142Google Scholar). Voir aussi Cours, 56e et 57e leçons et Système, t. III, chap. 7Google Scholar. Le fait que Comte eut en Angleterre une audience assez précoce et toute privilégiée (Miss Martineau, J. S. Mill, puis Lewes, puis Congrève et Williamson) et son souci de donner à ses ‘missionnaires’ des conseils adaptés l'amena aussi à se pencher plus particulièrement sur les caractères anglais (Voir par ex., la longue lettre à Williamson, , Correspondance générale, op. cit, t. V, p. 108117).Google Scholar

26 Cours, 56e leçon; nos analyses suivent plus particulièrement les pages 557564.Google Scholar

27 Car chez Comte, la science n'est jamais politiquement neutre: ‘l'exclusive nationalité qui dès lors caractérise la politique anglaise fait déjà sentir, jusque sur le développement des sciences sa déplorable influence, en disposant à n'adopter activement que les méthodes et les découvertes indigènes’; certaines ‘répugnances’ et ‘Obstinations’ mathématiques en témoigneraient. Mais l'histoire est juge: ‘on ne peut s'empêcher de noter comment l'Angleterre trouva la juste punition de l'étroite nationalité scientifique qu'elle avait tenté de se constituer […]: les savants anglais ne purent prendre, en général, sauf le seul Maclaurin qu'une part très secondaire à l'élaboration de la théorie newtonienne …’ (Ibid. p. 563–564).

28 ‘Ce serait se former des sciences une idée bien imparfaite que de les concevoir seulement comme la base des arts’. Si on ne corrige pas ‘ce qu'il y a sous ce rapport d'incomplet et d'étroit dans la tendance générale de notre époque, l'intelligence humaine, réduite à ne s'occuper que de recherches susceptibles d'une utilité immédiate se trouverait par cela seul, […] tout à fait arrêtée dans ses progrès, même à l'égard de ces applications auxquelles on aurait imprudemment sacrifié les travaux purement spéculatifs’. Cours, 2e leçon, p. 4546.Google Scholar

29 Voir comment Comte déplore partout l'organisation trop éclatée du monde intellectuel: voir Cours, lere leçon, et la critique de ‘l'excessive particularité des idées’, de la ‘spécialité exagérée’ et de la prépondérance des travaux de détails: Comte cherche alors ‘le moyen d'arrêter l'influence délétère dont l'avenir intellectuel semble menacé par suite d'une trop grande spécialisation des recherches […] Il suffit de faire de l'étude des généralités scientifiques une grande spécialité de plus’. Voir aussi Cours, 57e leçon, p. 624633Google Scholar, où Comte reprend une vive critique des ‘habitudes despersives’, de ‘l'excessive restriction intellectuelle’. Tout ceci encourage ‘les chétives intelligences’ et ‘les médiocrités’ sans envergure. Et, conséquent, Comte n'hésite pas à doubler la critique épistémologique d'une critique institutionnelle: il veut remédier au ‘morcellement des corporations’, à leurs puissances anarchiques et à leurs hiérarchies bloquées. Il déclare la guerre aux cloisonnements académiques, ‘coteries’ et ‘funestes monopoles’ de ‘pédantocrates’ repliés sur eux-mêmes.

Et voici quelques savoureuses semi-injures que Comte réserve aux Académies devenues des ‘compagnies arriérées’: elles facilitent ‘le rétrécissement intellectuel’, elles sont ferment de ‘charlatanisme universel’ et refuge des ‘demi-portées intellectuelles’ (ibid., p. 629, voir aussi p. 662–663). Aussi propose-t-il, tout net, de les dissoudre!

30 Dès le Plan des travaux, Système, IV, Appendice p. 7476Google Scholar. La vocation cosmopolite des Académies, à leur origine, est d'ailleurs soulignée et saluée par Auguste Comte qui déplore d'autant plus leur sclérose corporatiste actuelle (voir Cours, 56e leçon, p. 561).Google Scholar

Sur la nécessité de considérations internationales par delà tout nationalisme ombrageux, voir aussi la sévère leçon que Comte fait à l'Anglais Williamson où il dénonce un chauvinisme foncier de l'esprit anglais et son goût d'insulaire pour l'isolement national (Correspondance générale, op. cit. V p. 109110).Google Scholar

31 Nous reprenons le Cours, 56e leçon p. 557567.Google Scholar

32 Des analyses parallèles—et tout aussi récupératrices—étaient faites à propos de l'étude du développement industriel, ème leçon, pp. 518–525. Voir aussi Système, t. III, p. 317Google Scholar, où pour Comte il est clair que ‘Newton émana de Descartes’.

33 Cours, 26ème leçon, op. cit., p. 570 puis p. 571Google Scholar. La côte de popularité de Bacon au cours du XIXème siècle est d'ailleurs en baisse continuelle. Claude Bernard le prend comme cas-type des philosophes qui excitent ses sarcasmes: simple ‘crieur public’, inutile et même gêneur: voir Philosophie, Paris, Hatier-Boivin, 1937, p. 3739Google Scholar; et Introduction à la Médecine expérimentale, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 86, 311Google Scholar. Ernest Renan, lui, ne se réfère que bien peu à Fr. Bacon; il lui préfère incontestablement Roger Bacon dont il salue l'érudition; de toutes façons quand il les cite c'est pour les arracher à l'Angleterre, pour les ‘latiniser’ (Voir O.C., t. I, p. 954).Google Scholar

34 D'où le modèle du savant généraliste que Comte promeut Voir Plan des Travaux, op. cit., p. 72Google Scholar: ‘Nous comprenons ici au nombre des savants, […] les hommes qui, sans consacrer leur vie à la culture spéciale d'aucune science d'observation, possèdent la capacité scientifique et ont fait de l'ensemble des connaissances positives une étude assez approfondie pour s'être pénétrés de leur esprit et s'être familiarisés avec les principales lois des phénomènes naturels […]. Les autres savants sont trop absorbés par leurs occupations particulières.’

35 Cours, 57ème leçon, p. 694695Google Scholar: ‘la population anglaise, malgré tous ses avantages réels est aujourd'hui moins préparée à une telle solution qu'aucune autre branche de la grande famille occidentale sauf la seule Espagne’.

36 Ibid., Les textes de 1841 peuvent paraître ambigus car, d'autre part Comte prévoit, pour mener à bien l'extension du positivisme, un Comité positif occidental dont la composition fait tout de même la part assez belle à l'Angleterre—juste après la France. Mais il faut voir les raisons alléguées: ‘On y pourrait par exemple admettre huit Français, sept Anglais, six Italiens, cing Allemands, et quatre Espagnols. Sans attacher aucune gravité à de tels chiffres, j'insiste seulement pour qu'aucune des cinq nations combinées n'ait la majorité numérique, et que le contingent corresponde autant que possible à la participation réelle. La France et l'Angleterre constituant évidemment les deux cas les plus opposés, c'est leur combinaison qui doit nécessairement offrir l'importance la plus décisive’ (Cours, 57ème leçon, p. 696, note).Google Scholar

En 1848 Comte reprend l'idée de ce ‘Comité positif occidental destiné à régulariser l'ensemble du développement mental et social du positivisme’. (Texte de mai 1848, cité dans les Annexes de la Correspondance générale d'A. Comte, op. cit., t. IV, p. 280281Google Scholar). Et cette fois il adjoint des femmes: deux Françaises, une Anglaise, une Allemande, une Italienne, une Espagnole. La prédominance française est renforcée. On remarquera aussi que Comte est soucieux de la représentation des différentes parties de la Grande-Bretagne: sur les sept Anglais y aurait ‘trois Anglais purs (un banquier, un philosophe, un prolétaire), deux Ecossais (un praticien, un théoricien), deux Irlandais (un prolétaire catholique, un théoricien protestant)’. Le souci de représentativité sociale et religieuse est aussi remarquable.

37 Le problème est repris t. I (1851) et t. IV (1854). Le premier texte est repris d'un Discours sur l'ensemble du positivisme de 1849 et le classement des nations y est surtout géographique.

38 Système, IV, chap. 5, p. 373, et p. 490 et sv.Google Scholar

39 Ibid., chap. 4, p. 325; chap. 5, p. 493–494.

40 ‘L'absence de toute saine philosophie politique fait d'abord concevoir aisément par quel entraînement empirique a été naturellement déterminée une telle aberration, qui certes devait être profondément inévitable puisqu'elle a pu complètement séduire la raison même du grand Montesquieu, bien qu'elle dût assurément devenir beaucoup moins excusable sous la lumineuse indication que l'ébranlement révolutionnaire tendit à répandre avec tant d'énergie sur l'ensemble de la situation moderne.’ Cours, 57e leçon, p. 589.Google Scholar

41 Le Calendrier positiviste fut publié en 1849 (le texte est cité en Annexe de la Correspondance, t. V, op. cit. p. 292314Google Scholar). Il est repris dans le Catéchisme positiviste (Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 265–71)Google Scholar et au Système, IV p. 395404.Google Scholar

42 Voir surtout les textes regroupés dans Fragments de philosophie positive (1876)Google Scholar: ‘De la philosophie positive’ (1844) p. 15Google Scholar; ‘Paroles de philosophie positive’ (1819), p. 9395.Google Scholar

43 Littré proclama ses réticences, voire ses desaveux, après la rupture de 1852. Mais ses réserves tardives ne s'auraient masquer le fait qu'il fut parmi les disciples de la première heure et alors d'un enthousiasme entier: en 1848 Littré cosigne ainsi (avec Magnin et Laffitte) le ‘Rapport à la société positiviste de la commission chargée d'examiner la nature et le plan du nouveau gouvernement révolutionnaire’. (Cité en Annexe de la Correspondance générale, op. at., t. IV, p. 284304Google Scholar). On y remarquera un passage sur l'Angleterre: il s'agit de déplorer que la France se soit entétée à ‘reproduire le type anglais’, et de décrire les tendances matérialistes et égoïstes des Anglais ‘qui, par exemple, condamnent les Irlandais à se nourrir de pommes de terre et à mourir de faim, pour que les lords jouissent d'une opulence fabuleuse’ (Ibid. p. 291).

44 ‘Nouvelle exégèse de Shakespeare par M. O'Connell’, art. de nov. 1860Google Scholar, repris in Littérature et histoire, Paris, Didier, 1875, voir surtout p. 92100.Google Scholar

45 ‘De l'histoire de la civilisation en Angleterre par Bucckle’ (art. de janvier-février 1868Google Scholar, repris in La science au point de vue philosophique, Paris, 1876, p. 480520.Google Scholar

46 Voir par exemple L'Avenir de la Science, chap. VIII et chap. XII (O.C., t. III.Google Scholar). L'Avenir de la Science est une oeuvre de jeunesse (1848), mais réassumée pleinement lors de sa publication tardive (1890).

47 O.C., t. III, p. 781784.Google Scholar

48 O.C., III, p. 745746.Google Scholar

49 O.C., II, p. 365.Google Scholar

50 On voit donc que Renan, à l'encontre des vues ensemblistes de Comte, distingue fort nettement les différentes parties du Royaume Uni de Grande Bretagne. Histoire, géographie et linguistique concourent pour des vues nuancées.

51 O.C., II, p. 252Google Scholar et voir tout l'article sur La Poésie des races celtiques (1854).Google Scholar

52 Renan se plaît à décrire des rapports inversement proportionnels entre ‘l'art’ et le ‘goût du confortable’; ‘Je suis obligé regrette-t-il de me servir de ce mot barbare pour exprimer une idée bien peu française’ art. sur La Poésie de l'Exposition; O.C., p. 242.Google Scholar

53 O.C., II, p. 243.Google Scholar

54 O.C., III. p. 927.Google Scholar

55 O.C., II, p. 784.Google Scholar

56 O.C., III, p. 1025.Google Scholar

57 O.C., VIII, p. 1171.Google Scholar

58 O.C., II, p. 370Google Scholar. Et Renan, virulent, poursuit: ‘Les noms de ces idiots iront à la postérité car ils ont pris soin de les écrire eux-mêmes sur les monuments célèbres, en travers des dessins les plus délicats’.

59 Voir encore comment Renan dénonce, en philologie aussi, une récupération anglaise de l'exégèse allemande, à propos de la ‘tentative malheureuse’ du Docteur Donaldson: ‘Il est surprenant que dans un récent article on ait présenté comme le dernier mot de l'exégèse allemande un pareil travail composé par un docteur de l'université de Cambridge et universellement réprouvé par la critique allemande’ O.C., VII, p. 85.Google Scholar

60 O.C., III, p. 1061.Google Scholar

61 Mill, J. S., Mes mémoires, Paris Alcan, 1885, p. 5457Google Scholar; voir aussi dans l'Essai sur Coleridge: ‘l'esprit de la philosophie en Angleterre comme celui de la religion, est encore ancré dans le sectarisme’.

62 D'où l'enjeu des recherches obsessionnelles des penseurs de l'époque sur la classification des sciences: ils la veulent tous, à la fois empirique et rationnelle; ils veulent découper des secteurs mais instaurer des voies de communications fécondes. Comte, Mill, Littré, Renan tous s'y sont essayé, apportant leurs correctifs à la classification basale des premières leçons du Cours de Philosophie Positive. Nous travaillons, par ailleurs, précisément sur ces points.

63 A System of Logic, 1843Google Scholar. L'ouvrage est constamment repris jusqu' à sa 8ème édition définitive en 1872.

64 Voir On Liberty (1859)Google Scholar, et Utilitarism (1861).Google Scholar

65 Voir Introduction à la médecine expérimentale (1865)Google Scholar, Ière Partie, chap. I A remarquer que Renan aussi jouait sur cette opposition et le sens fort du terme expérimental: voir Avenir de la Science, O.C., III, p. 846854, par exemple.Google Scholar

66 Voir Introduction à la médecine expérimentale, IIIème partie, chap. 4, 3ème section. C'ést l'auteur qui souligne: le ‘médecin savant’ est distingué du ‘médecin empirique’ ou du ‘médecin systématique’.

67 Voir Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie (1867), Paris, Imprimerie Impériale, pp. 1114Google Scholar et la longue note n°6 consacré à cette mise au point.

68 Littré, à propos des rapports entre l'expérience d'Oersted et les découvertes d'Ampère sur l'électromagnétisme, raconte l'histoire d'une façon comparable. Voir l'article de Littré in Revue des Deux Mondes, Février 1837Google Scholar, repris in La Science au point de vue philosophique.

69 Outils industriels tel que le tour en fer pour filetage de Maudslay; recherches sur les locomotives: Heldey, Stephenson; machine pour surfaçage du métal de John Clements; nouveau procédé de production de l'acide sulfurique par Peregrine Philips; industrialisation par T. Hancock de la vulcanisation du caoutchouc inventée aux U.S.A. par Goodyear; élaboration des engrais superphosphatés par John Lawes; procédés de production de l'acier à partir du minerais phosphoreux par S. G. Thomas …

70 L'école écossaise aussi a travaillé la logique et surtout Sir William Hamilton qui s'est intéressé à la quantification des prédicats.

71 Comte ne classe que les sciences ‘abstraites’ et ‘générales’. Voir Cours lère et 2ème leçons.

72 Comte, , Cours, 47ème leçon, op. cit., II, pp. 9297Google Scholar. Mais Littré renouvelle l'intérêt pour l'économie politique.

73 Voir Cours, lère leçon, op. cit., I, p. 3334Google Scholar, et surtout 45e leçon I, pp. 853–863.

74 Comte, , Cours, lère leçon, op. cit. I, p. 35Google Scholar; 58e leçon, II, pp. 740–741. Sur ce point Littré est d'une opinion conforme. Voir Du développement historique de la logique, 1849Google Scholar, repris in Fragments de philosophie positive, Ile partie.

75 Car bien sûr il y a eu d'importants physiciens, chimistes et physiologues anglais, tout comme il y a eu en France des recherches techniques et des célèbres naturalistes. A remarquer cependant que les ‘naturalistes’ français sont plutôt du début du siècle; puis la physiologie médicale l'emporte. D'ailleurs, Comte, dès 1836, dans la 40ème leçon du Cours, écrivait: ‘Nous pouvons imaginer sans peine un biologiste très éminent qui nese serait jamais sérieusement occupé d'histoire naturelle’ op. cit., p. 743.Google Scholar

76 Des travaux importants ont traité de ces problèmes d'histoire du point de vue de l'histoire des sciences. Nous renvoyons en particulier à la thèse d'Yvette Conry sur L'Introduction du darwinisme en France au 19e siècle, Paris, Vrin, 1974Google Scholar. On y trouvera de fort précises mises au point et, en annexes, de riches bibliographies.

77 Dans son livre The edge of Contingency (University Press of Florida, 1979)Google Scholar, Harry Paul insiste sur les contextes et enjeux religieux des disputes autour de l'évolutionisme (voir surtout chap. 2 et 3).

78 Littré, E., Fragments de philosophie positive, Paris, 1876, Préface, p XIII, XIVGoogle Scholar; voir aussi l'étude Conry, de Y. in l'introduction du darwinisme, op. cit., p. 415419.Google Scholar

79 Ceci se passe en juin 1873, Rey, Alain dans son ou vrage sur Littré l'humaniste et les mots, a recensé ces textes à la fois amusants et consternants … (Paris, Gallimad, 1970, p. 169172)Google Scholar. Nous lui empruntons quelques citations.

Le compte-rendu de cette séance historique, rapporté par Alain Rey, mérite d'être repris: ‘Cette théorie et son apôtre, l'un portant l'autre, ont trouvé à qui parler, et qui leur a parlé, non en langage de singe, mais d'homme […] Qu'il se trouve averti, le sieur Littré. M. de Champagny lui a dit qu'il n'est entré à l'Académie que parce que l'Académie […] l'a pris pour un homme … Nous vous recevons (lui a-t-on dit) pour votre Hippocrate […] et pour votre dictionnaire, qui est un dictionnaire d'une langue d'homme et non pas un dictionnaire de langue de singe! (…) Mais si vous n'étiez que l'orang-outan (sic) éduqué pour lequel vous vous donnez, nous ne vous prendrions pas même avec des pincettes!’.

80 Schiller, Voir J., Claude Bernard et les problèmes scientifiques de son temps, Paris, 1967Google Scholar et Conry, Y., L'introduction du darwinisme, op. cit., p. 368 à 376.Google Scholar

81 Pensées et notes détachées, Paris, 1937, p. 3940.Google Scholar

82 Voir dans l'Introduction à la médecine expérimentale, (1865), Paris, Garnier Flammarion, 1966, p. 140141Google Scholar, la manière dont Bernard renvoic les ‘vastes horizons entrevus par le génie des Goethe, Oven, Carus, Geoffroy Saint-Hilaire, Darwin’ au rang des ‘contemplations hypothétiques’. Voir aussi les Leçons sur les phénomènes de la vie (18781879)Google Scholar, ou pour Cl. Bernard ‘que l'on sait cuvieriste ou darwiniste, cela importe peu’ … (livre II, lère partie, section 1, chap. II).

83 Pensées, p. 63.Google Scholar

84 Lettre à Marcelin Berthelot, Août 1863Google Scholar, O.C., I, p. 638 et sv.Google Scholar

85 L'Avenir de la Science. Préface, O.C., III, p. 722723Google Scholar. Voir son interprétation de l'histoire de l'humanité, p. 726: ‘A force de chimères, on avait réussi à obtenir du bon gorille un effort moral surprenant’.

86 Souvenirs d'Enfance et de Jeunesse, O.C., II, p. 852.Google Scholar

87 Voir la ‘chronologie structurée’ proposée par Conry, Y. pour l'Introduction du darwinisme (op. cit., p. 2932)Google Scholar: ‘de 1859 à 1862, le darwinisme subit en quelque sorte le temps du mépris’. En 1862, Cl. Royer publie la première traduction de l'Origine des espèces, qui est loin d'enthousiasmer l'intelligentsia française!

88 Conry, Voir Y., op. cit., livre IIIGoogle Scholar. ‘Darwinisme et idéologies’ et Paul, Harry W., op. cit., chap. 2 et 3Google Scholar. Mais aucun ne mentionne les textes du Père Gruber qui nous paraissent pourtant être de bons témoignages. Le R. P. Gruber a publié plusieurs ouvrages, vite traduits en France, et cautionnées par des autorités philosophiques bien pensantes (la traduction en 1892 de Auguste Comte, fondateur du positivisme est préfacée par Ollé-Laprune, professeur à l'Ecole normale supérieure). Mais c'est l'ouvrage de 1892, Le positivisme depuis Comte jusqu' à nos jours, traduit dès 1893 (Paris, Le Thielleux)Google Scholar, qui nous semble témoigner d'une certaine manière persistante de voir le darwinisme: Gruber l'étudie dans la partie consacrée aux ‘Positivismes indépendants’, et dans un chapitre intitulé: ‘le darwinisme et sa transformation en monisme’ (op. cit., p. 279 et suivantes).Google Scholar

89 Cours, 57ème leçon, II, p. 624634. 663, p. 669 et 674 note.Google Scholar

90 Le Système précise ces travaux de déblaiement—l'Université bien sûr est aussi à abolir. (Voir Système IV, ch. 5, p. 388389Google Scholar) mais c'est l'Institut et l'Académie des sciences qui sont surtout visés (Ibid. p. 390).

91 Il faut dit Comte ‘considérer historiquement les savants proprement dits comme une classe essentiellement équivoque, destinée à une prochaine élimination en tant qu'intermédiaires entre les ingénieurs et les philosophes […] puisqu'ils se rapprochent des uns par la spécialité de leurs travaux, et des autres par l'abstraction de leurs spéculations. Ces deux éléments hétérogènes coexistent confusément aujourd'hui dans la constitution empirique de nos académies; mais ils tendront à s'y séparer de plus en plus’ (Cours, II, p. 633634, voir aussi p. 661662).Google Scholar

92 Ibid., p. 652–669.

93 ‘Le système d'éducation positive est nécessairement destiné à l'usage direct et continu non d'aucune classe exclusive, quelque vaste qu'on la suppose, mais de l'entière universalité des populations, dans toute l'étendue de la république européenne’. Et d'autre part même s'il doit y avoir ‘d'inévitables différences de degré’ il y aura au moins ‘commune initiation’ (Ibid. p. 661). Voir aussi Système, IV, chap. 2).Google Scholar

En fait, au Système Comte envisage des transitions entre le vicieux régime actuel et les restructurations radicales de l'ordre positiviste (voir IV, chap. 5): le centralisme ne s'installe que peu à peu. D'abord il ne demande que la pleine liberté d'exposition, et d'enseignement (Comte, qui depuis bien longtemps fait des cours populaires parallèles fait confiance au jugement des masses). Puis il envisage de ‘régénérer l'instruction publique’ par des Ecoles positives pour lesquelles il ne demande aucun monopole (Ibid., p. 424–425 et suivante). Enfin quand le pouvoir sera affermi, il sera le responsable central de tout le système éducatif. Mais remarquons bien qu'il ne s'agira jamais chez Comte d'installer une éducation ‘nationale’.

94 La question de la centralisation ou décentralisation dans l'organisation de l'enseignement (surtout supérieur) a tout particulièrement agité la 2ème moitié du 19ème siècle. Sous le Second Empire et le ministère de Duruy (1863–1869) des enquêtes sur l'université française montrant sa misère conduisent à méditer les modèles des privat-docenten allemands, et à la création de l'Ecole pratique des hautes études (1868). Des commissions d'universitaires discutent, proposent des programmes réformateurs. Autour de Lavisse et de Liard la question des universités est sans cesse débattue et c'est pendant que Louis Liard est directeur de l'enseignement supérieur (de 1884 à 1902) que des mesures décisives sont prises (1885, 1890). Liard, Voir Louis, l'enseignement supérieur en France (1789–1893), Paris, 1894Google Scholar; Lavisse, voir E., Etudes et Etudiants, Paris, 1894Google Scholar; Prost, voir aussi Antoine, L'enseignement en France 1800–1967, Paris, Armand Colin, U, 1968, (surtout chap. X, p. 223240).Google Scholar

95 Ernest Renan est un fervent partisan des travaux spécialisés et point n'est besoin de se hâter aux généralités, au contraire même: ‘Souvent même, cette prudente abstention est un acte de vertu scientifique et ceux là sont les héros de la science qui, plus capable que personne de se livrer à de hautes spéculations, ont la force de se borner à la sévère constatation des faits en s'interdisant les généralites anticipées’. (L'Avenir de la science, O.C., III, p. 824Google Scholar). Mieux même, l'empirisme dispersé peut être précieux en lui-même: ‘Des travaux entrepris sans ce grand esprit peuvent même servir puissamment au travail de l'esprit humain, indépendamment des intentions plus ou moins mesquines de leurs auteurs. Est-il nécessaire que l'ouvrier qui extrait les blocs de la carrière ait l'idée du monument futur dans lequel ils entreront? Parmi les laborieux travailleurs qui ont construit l'édifice de la science, plusieurs n'ont vu que la pierre qu'ils taillaient, ou tout au plus la région limitée où ils la plaçaient. Semblables à des fourmis, ils apportent chacun leur tribut individuel, renversent quelque obstacle, se croisent sans cesse, en apparence dans un désordre complet et ne faisant que se gêner les uns les autres. Et pourtant il arrive que, par les travaux réunis de tant d'hommes, sans qu'aucun plan ait été combiné à l'avance, une science se trouve organisée dans ses belles proportions.’ (Ibid.)

Ainsi le souci des généralités ordonnées que Comte mettait au premier plan parait à Renan méthode grossière et prétentieuse (voiries sévères critiques de Comte, Ibid., p. 849 par ex.). Pour Renan ‘le penseur suppose l'érudit […] je ferais peu de cas du philosophe qui n'aurait pas travaillé au moins une fois dans sa vie à éclaircir quelque point spécial de la science’ (Ibid., p. 837).

96 Comte fait toute son oeuvre entre 1820 et 1857, c'est-à-dire qu'il a connu la Restauration, puis la monarchie de juillet, puis la révolution de 48 et la seconde république, puis l'établissement du second empire. Peu enclin à participer aux ‘désordres révolutionnaires’, il leur était cependant très attentif et il était soucieux de théoriser les voies d'un ordre nouveau qui devait être porteur de progrès (voir au lendemain des journées de février 48, la fondation de la société positiviste, et les projects fort précis de cette société. Cf. Correspondance générale, op. cit., annexes.). Mais quand Louis Napoléon Bonaparte affermit son pouvoir, Comte, d'abord réticent, espère ensuite que cette dictature puisse mener â la ‘dictature provisoire’ qu'il destinait aux périodes de transition vers la république positiviste. Littré ne lui a jamais pardonné ce ralliement.

Renan, lui, écrit ses premières oeuvres en 48, il a le temps de voir la chute du second Empire en 70—et de s'en réjouir—et d'être sous la IIIe république un homme fort important jusqu'à sa mort (1892). Il a donc assisté à bien des révolutions nationalistes de ces temps, et il a connu la montée des sentiments germanophobes et leur explosion lors de la guerre de 70 et les sentiments humiliés et revanchards après la défaite.

97 Comte, le montpellierain, est devenu profondément parisien et centraliste. Renan est toujours resté breton, et attentif aux régionalismes.

98 Conférence sur le thème: ‘Peut-on travailler en Province?’, in Feuilles détachées, O.C., II, p. 10071008.Google Scholar

99 Article sur ‘L'école libérale, ses principes et ses tendances’, Revue des Deux Mondes, Août 58Google Scholar; repris in Essais de Morale et de Critique, O.C., II, p. 51.Google Scholar

100 Commune erreur dit Renan que ‘de n'avoir pas vu qu'un établissement n'est solide que quand il a des racines historiques’, Ibid., O.C., II, p. 46.Google Scholar

101 Voir l'article sur ‘l'Instruction supérieure en France’, Revue des Deux Mondes, ler mai 1864Google Scholar, repris in Questions contemporaines, 1868Google Scholar, OC., I, p. 889, 8995.Google Scholar

102 Dans un article sur la ‘Philosophie de l'histoire contemporaine’ (repris in Questions contemporaines) Renan fait des analyses comparées comparables à propos des manières anglaises, et françaises de concevoir la royauté (O.C., I, p. 51.).Google Scholar

103 L'Avenir de la Science (1848)Google Scholar, O.C., III, p. 928929Google Scholar: ‘Que l'Etat ait le devoir de patronner la science, comme l'art, c'est ce qui ne saurait être contesté (…) L'Angleterre, je le sais, comme autrefois à quelques égards l'ancienne France, surfit à presque tout par des fondations particulières, et je conçois que, dans un pays où les fondations sont si respectées, on puisse se passer d'un ministre de l'Instruction publique. L'Etat, je le répète, ne doit que supléer à ce que ne peuvent faire ou ne font pas les individus; il a donc un moindre rôle dans un pays où les particuliers peuvent et font beaucoup. L'Angleterre, d'ailleurs, ne réalise ces grandes chose que par l'association, c'est-à-dire par de petites sociétés dans la grande, et je trouve pour ma part l'organisation française, issue de notre Révolution, bien plus conforme à l'esprit moderne.’

104 Art. cit., O.C., I, p. 9091.Google Scholar

105 Lettre sur la liberté de l'enseignement supérieur, au Journal des Débats, juillet 1875Google Scholar, repris in Mélanges d'histoire et de voyages, O.C., II, p. 700Google Scholar. On remarquera que, décidément, Renan n'aime pas devoir à ses voisins: en proposant les modèles anglo-allemand, il prétend simplement récupérer un bien français: ‘Et qu'on ne dise pas que c'est là une imitation de l'étranger. C'est le retour à nos propres méthodes, que nous avions désertées et que l'étranger, plus sage que nous, a gardées et développées.’ (Ibid., p. 706).

106 Ibid., p. 701–702.

107 Car il s'agit pour Renan de trouver les moyens de fonder une nouvelle ‘noblesse’: non plus guerrière, mais intellectuelle. Voir, La Réforme Intellectuelle et Morale.Google Scholar

108 La Réforme Intellectuelle et Morale, (1870), UGE, 1967, p. 57.Google Scholar

109 Ibid., p. 58. Voir aussi p. 30, un éloge assez radical de la sagesse historique des anglais.

110 Des relations de concurrence scientifique se sont introduites entre les deux pays. Claude Bernard par exemple illustre bien un certain patriotisme scientifique militant: ‘Il faut dire à l'honneur de la science française qu'elle a eu la gloire d'inaugurer d'une manière définitive la méthode expérimentale dans la science des phénomènes de la vie […]. L'impulsion scientifique partie de la France s'est répandue en Europe (…). Mais cette méthode s'est perfectionnée et a donné plus de fruits dans les pays où elle a trouvé des conditions de développement plus favorables comme aujourd'hui, dans toute l'Allemagne.’ Introduction à la Médecine Expérimentale, 1865, p. 207Google Scholar. C'est toujours le même principe d'analyse: la France a les idées, et les autres pays ont les moyens de les appliquer. (Lors de la crise économique des années 1970, en France un slogan fit fureur: ‘On n'a pas de pétrole, mais on a des idées!’.)

Et puis après la guerre les admirateurs de l'Allemagne savante sont presque pris pour des traîtres: voir par exemple ce que Charles-Olivier Carbonnell, dans son étude sur les historiens de la deuxième moitié du siècle, dit des procès qu'on a pu faire aux germanophiles comme G. Monod par exemple (Histoire et Historiens 1865–1885; Privat, 1976, VIe partie).Google Scholar

111 Renan voit, non sans quelques inquiétudes, surgir l'ampleur du modèle américain (voir La Réforme Intellectuelle et Morale, dernière partie, p. 167170Google Scholar) et voudrait pouvoir, à l'européenne, relever le défi.